Trio lillois jouissant d'une notoriété
sans failles - surtout à l'étranger - Dat Politics a
su, dès la fin des années 90, débarasser la "laptop
music" de son côté pincé et expérimental.
Semblant avoir récupérer les sons "post 80's craignos"
de leurs morceaux rigolo-sautillants dans les corbeilles des G3 des
premiers de la classe, le trio n'a pas tardé à s'attirer
la sympathie des électroniciens les plus trash - de Chicks
On Speed à Kid 606. Leur dernier album, Plugs Plus, est d'ailleurs
une collection de collaborations musicales avec leurs cousins les
plus talentueux : Schlammpeitziger, Matmos, Blectum From Blechdom,
Lesser ...
Quelle
relation faites-vous entre Tone Rec et Dat Politics ? Pourriez-vous
définir la généalogie de chacun de ces projets,
leurs membres, leurs propos... ?
Tone Rec existe
depuis 1994. Dès le début, c'était un projet
instrumental dans lequel nous mixions instruments acoustiques et
différentes sources électroniques... Rapidement, notre
musique s'est digitalisée et nous avons sorti notre premier
CD en 1997, les trois autres albums ont suivi en l'espace de trois
ans. Comme beaucoup, c'est l'ennui qui nous a conduit à faire
de la musique. Lorsque nous étions au lycée, les séances
de feed-back du dimanche après-midi pouvaient durer des heures
... On écoutaiy beaucoup Sonic Youth, des trucs bruyants
new yorkais et pas mal de pop...
Bizarrement, Tone Rec est un peu la synthèse de tout ça,
associé à notre attachement à la musique électronique
qui s'est révélé un peu plus tard.
Dat Politics existe depuis environ un an Nous avions pris conscience
que la musique de Tone Rec était souvent perçue, un
peu malgré nous, comme cérébrale et austère.
Avec un ami d'enfance, e.Aelters, on a donc décidé
de créer un projet plus ludique dans lequel nous pouvions
intégrer presque tout et n'importe quoi.... Plus en phase
avec nos personnalités instables.
Le
dernier Tone Rec, Demo Pack Demoli, tend à brouiller les
pistes entre Tone Rec et Dat Politics. Comptez-vous privilégiez
le développement d'un des deux projets à l'avenir
?
C'est
vrai que les nouveaux morceaux de TR ont été très
influencés par Dat Politics. C'est un projet plus récent
qui pour le moment nous amuse beaucoup et qui a fait évoluer
notre façon de composer. Je pense que nous allons mettre
TR en standby pendant quelques temps. Cela nous permettra de réfléchir
à son devenir. Cette année, nous allons surtout nous
occuper de Dat Politics et de Skipp.
Est-ce
une nécessité d'avoir un label à soi quand
on fait de la musique aujourd'hui?
Envisagez-vous des productions à des formats CD-Rs, MP3 ...
?
L'idée
de créer un label nous trottait dans la tête depuis
un moment, c'est une bonne façon de comprendre le fonctionnement
des réseaux de distribution et d'être en contact direct
avec les personnes qui défendent ce genre de musiques. En
seulement six mois, cela a beaucoup aidé la diffusion de
Dat Politics. Le prochain album devrait être édité
au japon par le label Digital Narcis qui était au départ
l'un de nos distributeurs.
C'est surtout une façon de se faire plaisir, en créant
nous mêmes le graphisme des pochettes, le site, les vidéos
et en organisant de temps en temps des soirées. Pour l'instant
nous éditons à peu d'exemplaires, et le côté
lucratif de l'affaire est plutôt à oublier. Je crois
que le principal c'est de pouvoir diffuser tout ce qui nous passe
par la tête : images, sons ... Sans avoir à justifier
nos choix à qui que ce soit.
Comment
expliquez-vous que Dat Politics se retrouve à jouer si vite
dans la cour des grands? Comment se sont passés vos premiers
contacts avec les scènes de Cologne et Vienne?
Pourquoi Villiger a-t il mis si longtemps à sortir ?
Nous sommes
nous même surpris que les choses soient allées aussi
vite je pense que c'est surtout grâce à Georg (A-Musik)
qui s'est tout de suite intéressé à nous et
a organisé des concerts à Cologne, Vienne, et en Hollande.
Tout cela sans qu'aucun album ne soit disponible, puisqu'à
caus edes problèmes techniques, Villiger n'est sorti qu'en
février. Les concerts ont été très bien
accueillis et lorsque nous avons mis en vente Tracto Flirt en novembre
1999, il a rapidement été epuisé c'était
encourageant à la fois pour Skipp et pour Dat Politics. L'activisme
des labels comme A-Musik, Sonig, Profan... est exemplaire, et on
peut être heureux d'en bénéficier par le biais
de l'édition et de la diffusion.
L'originalité
de de votre démarche musicale tient à son caractère
pop et ludique ; c'est également ce qui vous différencie
des musiciens électroniques français. Quels sont vos
influences, vos modèles, vos envies?
Vous sentez-vous proches de Mouse On Mars, Felix Kubin, Matmos,
Kid 606, Marumari ?
Nous n'avons
pas de problèmes particuliers avec la pop music, on en écoute
depuis toujours, ça nous paraissait normal de lui faire une
place au sein de nos compositions. Avec du recul, je pense que l'on
a plus écouté S-Express que Karkowski. Il n'y a aucune
raison pour que cette part de notre culture populaire soit jetée
aux oubliettes. Autant essayer de l'exploiter, d'amener ce genre
de sonorités autre part.
On aime beaucoup Mouse On Mars, on connait un peu Jan, Andy et Frank
puisque l'on traine de temps en temps chez A-Musik. Ce sont des
gens très gentils, et leur musique est un mélange
unique de recherche et d'entertainment. Felix Kubin nous a dit récemment
qu'il aimait beaucoup Dat Politics, c'est réciproque, je
pense que l'on va lui demander prochainement de participer à
une sorte de concept/compilation sur Skipp...
Quant à Kid 606, nous ne le connaissions pas avant qu'il
ne nous propose de rééditer Tracto Flirt sur son label
aux USA. Nous n'avons pas encore écouté toutes ses
productions ; ça a l'air plutôt hétérogène
mais son split sur Fat Cat n'est pas mal du tout.
Vous
faites partie de ce courant musical en pleine expansion qu'est la
"laptop music". Quel regard portez-vous sur l'informatique
musicale? Comment travaillez-vous vos compositions?
On se fiche
de l'étiquette "laptop music", le portable est
simplement un outil pratique qui nous permet de "transporter"
notre musique partout. Contrairement à ce que peuvent penser
certains magnats de l'impro-jazz, c'est vraiment un instrument à
part entière. Une partie des sons que nous utilisons provient
d'un logiciel séquenceur que l'on manipule en studio et en
live. Pour le reste, nous collectons des sons de toute sorte, qui
sont ensuite maltraités, brouillés, et réinjectés
dans les structures. Il n'y a pas de rôle prédéterminé.
En studio, on commence généralement par improviser
quelque chose, jusqu'à ce que cela prenne forme. La post
production est souvent réduite ... Je crois qu'il n'y a rien
de vraiment exceptionnel dans tout ça!
Comment
s'est passée la signature sur Fat Cat?
On avait simplement
envoyé notre première démo CDR à Dave
Howell qui a tout de suite accroché sur "et hop".
Aujourd'hui, le morceau sonne un peu bizarrement pour nous ; il
fait partie de nos tout premiers enregistrements bien qu'il soit
sorti récemment. Je ne pense pas que l'on referait ce genre
de choses maintenant...
(Christophe Taupin)
Interview
réalisée par e-mail en avril 2000.
www.ski-pp.com
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