Faisant écho à la compilation Biophilia Allstars,
premier disque publié par le label berlinois Lux Nigra en
1998, Lux Nigra Allstars marque le retour à la production
de cet excitant petit label qui n'avait rien sorti depuis la fin
de l'année 2001. Voici donc une nouvelle occasion de découvrir
cette véritable famille d'artistes dont la majorité
travaille et vit à Berlin et dans l'ancienne Allemagne de
l'Est, et qui malgré de fortes affinités avec les
archétypes techno locaux a su dès ses premières
productions initier de savants métissages du genre.
Ainsi, les quinze titres de cette compilation, dont six sont inédits,
passent avec une habileté et une logique déconcertantes
de l'acid hardcore au sourire narquois d'"Optime Prior"
des Society Suckers à l'electronica pastorale de "Submerge"
du japonais Blätter en faisant étape dans des contrées
musicales plus sombres et organiques où fraye l'electro oxydée
du "Pocket Monster 2000" de Multipara, alias Peter Gebert,
fondateur du label.
C'est en 1998 que Gebert a proposé à la trentaine
de membres de sa mailing list autour du travail de l'artiste Martin
Damm , dont beaucoup étaient musiciens, de sortir un CD-R
de leurs travaux ; ce qui devait à la base rester confidentiel
devint la première compilation du label. Il est donc naturel
de retrouver Damm sur Lux Nigra, sous le pseudo de Biochip C. quelques
années plus tard pour un album et deux maxis. "Liquid
Silence", extrait de Sunblocking , le second maxi, est un titre
d'électro glaciale mécanique aiguisée de réminiscences
acides. Mais avant Biochip C., d'autres stars berlinoises avaient
été attirées par la lumière noire. C'est
le cas d'Uwe Zahn d'Arovane dont figure ici un remix de "Knottel"
de Zorn qui évoque la rencontre onirique de Pole et Ryuichi
Sakamoto. Autres membres incontournables de cette grande famille,
Michael Zorn et Thaddi Herrmann (de City Centre Offices et Herrmann
& Kleine) sont également présents en solo et sur
un inédit de leur excellent projet No Movement No Sound No
Memories qui sort cette fois de la grisaille sonore post-techno
et opte pour la polychromie mélodique appuyé d'un
rythme électro anémié.
La pochette de Lux Nigra Allstars est illustrée de photos
en rapport avec l'activité professionnelle de Gebert à
l'Institut linguistique de Postdam, et les titres et crédits
sont écrits de sa main plutôt que typographiés
: une façon détournée de livrer quelques indices
personnels sur le mystérieux Multipara autant qu'un clin
d'oeil ironique au fait que Lux Nigra est le fruit peu rentable
d'un amateurisme passionné. Malgré tout, cette compilation
bilan semble initier un nouveau cycle de production pour Gebert
et ses amis ; souhaitons leur donc une fructueuse année 2004.
(Christophe Taupin)
www.luxnigra.de
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