Un
peu vite rangés dans la catégorie des surdoués
intouchables à la suite de chroniques unilatéralement
dithyrambiques à propos de leur
" Beaches & Canyons" de 2002, les membres de Black
Dice auraient pu sombrer dans les abysses d'une renommée
usurpée et même pire, tomber prématurément
dans l'oubli. Mais ces gens de Brooklyn ne semblent pas vraiment
avoir intégré les paramètres du succès
qui leur tendaient les bras, toujours prompts à se réinventer
intelligemment comme en témoigne ce nouveau "Creature
Comforts", album exotique imaginé et conçu par
des fous internés dans un zoo imaginaire. Si les compositions
du combo sont d'emblée moins chamanistes que jadis dans leurs
ascensions soniques c'est seulement parce qu'elles agissent sur
des espaces plus courts. D'ailleurs, leur caractère noisy
et tranchant n'en ressort jamais altéré, à
peine est-il déplacé dans un mantra à l'aspect
primitif fait de tangentes pop-indus. A l'instar de "Creature",
véritable acmé en forme de jungle analogique où
martèlements tribaux et traitements électroniques
sont des guet-apens pour insectes androïdes et autres éléments
liquides étrangers, ou même de "Skeleton",
mirifique épicentre qui exsude drones spécieux, churs
entamés et lignes de guitares au second plan révélant
une musique hawaïenne du point de vue des cieux. Quant à
"Night Flight", morceau de clôture où l'auditeur
se trouve cerné par des volatiles prédateurs, il réintroduit
un arsenal de sons furieux et explosifs. En abandonnant un peu de
ses ascendances rock, voilà une formation qui apprivoise
délicieusement le bruit, et livre ainsi un des disques les
plus originaux de l'année.
(Frédéric Foreau)
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